Abstract

Cet article retrace le parcours intellectuel de l'auteure en tant qu'ethnographe africaine, profondément marqué par la critique de V.Y. Mudimbe sur la production de savoirs eurocentrée sur l'Afrique. L'auteure se souvient d'une conversation fondatrice avec Mudimbe concernant une jeune Congolaise aux Pays-Bas qui évitait le contact visuel — un signe de respect dans sa culture, mal interprété par ses tuteurs néerlandais. Le conseil énigmatique de Mudimbe, « Dites à la jeune fille de regarder leur nez », est devenu une leçon sur la « culture d'amphibies » — le conflit des doubles références culturelles dans la vie intellectuelle africaine. L'auteure décrit sa quête difficile d'une méthodologie de recherche afrocentrée, remplaçant l'« entretien neutre » occidental par la « causerie » (ou lisolo), un outil plus convivial et moins hiérarchique, afin de décoloniser sa pensée et son travail de recherche sur la souffrance humaine parmi ses compatriotes.